vendredi, décembre 22, 2006

Dans les petits souliers de Chutney

Ma merveilleuse petite Chutnette a enfin vue le jour à la fin du mois dernier.
Après 41 semaines et 5 jours de gestation, les médecins ont décidé de la sortir de sa tanière manu militari à grands coups de scalpels et autres outils barbares faisant fi de toutes les images d’Épinal qu’une petite princesse était en droit d’attendre.
Les deux mains accrochées au cordon ombilical dans une version gore de Tarzan la banane, elle à surgit dans la sphère glaciale du bloc opératoire, quittant à regrets les douces entrailles qui l’avaient jusqu’alors bercées et nourries.
Ma tendre Chutnette est le plus beau de tous les cadeaux, de mon anniversaire où je découvrais son existence jusqu’à aujourd’hui, veille de Noël, elle n’a cessé de me faire des surprises, de m’émerveiller et de m’attendrir. Je lui dédicace ce blog en lui souhaitant d’aimer les livres aussi fort que sa maman les aime car c’est là aussi un amour étrange et pénétrant qui porte et qui transporte, qui vit sans préjugés et qui est une aventure intérieure intense et infinie.
Afin de ne pas perdre mes bonnes habitudes et pour plagier quelques blogs littéraires qui proposent leur sélection de l’avent, voici ce que j’espère bien trouver sous mon sapin aux cotés de Sophie la Girafe et du « J’élève mon enfant » de Laurence Pernoud.
- Séquence règlement de compte à O.K. Corral : Afin de prolonger mon expérience au sein des ateliers d’écriture, le très violent « A l’estomac » de Chuck Palahniuk.
- Emotions : Pour revivre d’un point de vue inhabituel la terrible journée du 11 septembre 2001, le « Extrêmement fort et incroyablement près » de Jonathan Safran Foer.
- Coup de gueule : Pour revendiquer mon côté militant et promouvoir un monde où les femmes pourraient s’épanouir sans préjugés ni violences, le récit poignant de Virginie Despentes « King Kong Théorie ».
- Avant que tout le monde se l’approprie sous les traits de Nicole Kidman : la biographie de l’extra-ordinaire photographe Diane Arbus qui voulait photographier le diable.
- Pour en voire de toutes les couleurs : « Métaphysique du chien » de Philippe Ségur pour faire rire les longues journées d’hiver et découvrir un auteur français pas assez reconnu et connu du grand public.
Voilà la petite sélection de Chutney, une vraie salade niçoise à déguster pour soi et à partager sans modération. Bientôt sur ce blog, la critique constructive de ces ouvrages si toutefois le père Noël a eu le temps de passer à la FNAC… Avis aux intéressés…
Je vous souhaite à toutes et tous de très belles fêtes, de l’amour et de la joie en pagaille.
Offrez des livres !!

mercredi, novembre 15, 2006

Où vont les écrivains, quand ils s'en vont?...

Il avait 35 ans la première fois que je l’ai rencontré. J’avais dix ans de moins que lui et étais alors, la petite main gauche du service de presse. A le croiser de temps en temps, je lui trouvais une fraîcheur, une vivacité, une allure d’éternel gamin qu’accentuaient des cheveux bruns et bouclés. Il portait à bout de bras le fol espoir de devenir un grand écrivain et gravissait les marches des éditions Calmann-Lévy comme on grimpe vers l’olympe.
Il s’appelait Vincent de Swarte et venait publier son tout premier roman intitulé « Pharricide ». Une histoire noire où un taxidermiste gardien de phare sombre dans la folie meurtrière.
Un régale de perversion psychologique d’une grande maturité littéraire.
J’ai quitté le métier peu de temps après mais j’ai pu de loin en loin le voir, avec une ridicule fierté, gravir une à une les petites marches qui mènent vers la reconnaissance des paires.
L’annonce de son décès en avril dernier m’a complètement bouleversée.
On sait tous qu’une vie fauchée est effroyable en tous points, mais la mort d’un écrivain m’a toujours semblée surnaturelle, plus récusable encore car un écrivain s’inscrit dans une permanence, dans une énergie que la mort n’a pas le droit de transcender. Un livre se lit toujours au présent, une œuvre vit toujours en nous avec la même intensité, un écrivain que l’on aime, qu’il soit contemporain ou antique, reste toujours un compagnon choisi, discret présent, parfois omniprésent mais bien rarement lié à un passé révolu enterré et oublié.
Vincent de Swarte nous a quitté. Il reste cependant à tout jamais en devenir, nous lègue ses mots et ses histoires d’aujourd’hui, nous abandonne dans l’intemporalité de ses écrits suspendus pour toujours, à l’abri du temps.

vendredi, novembre 03, 2006

Bas-Arts


Qu’est-ce que l’art ? D’après notre dictionnaire, l’art serait avant tout un ensemble de moyens utilisés pour produire une création esthétique. Oui, mais alors, qu’entend-on par esthétisme ? Notre toujours précieux glossaire répond : Science qui a pour objet de rechercher et de déterminer les caractères du beau dans l'art et la nature. Voilà bien notre sujet et le loup que je m’apprête à lever devant vous ! Démonstration : Tout le monde s’accorde à trouver le sentiment amoureux comme étant l’un des plus beaux. L’exercer au mieux, peut devenir un art. Ovide a, en son temps, dépeint avec brio les caractéristiques d’une telle démarche avec son « Art d’aimer ». D’autres s’y sont essayés, repoussant chaque fois un peu plus les limites du Beau. L’art de la guerre, de la tauromachie, de recevoir ses amis, de cuisiner bref de Sun Tzu à Nadine de Rothschild, tous ont su respecter la beauté de leur sujet même s’il n’était à la base pas le plus évident. Car qu’est-ce que le beau, sinon le sentiment provoqué par une chose noble, admirable qui élève l’esprit ? L’art ne peut donc se fourvoyer dans des sentiers douteux.
C’est pourtant ce que l’édition d’aujourd’hui tente de nous faire croire.
Deux « belles » réalisations parues ces mois derniers : « L’art de dire des conneries » et « L’art de péter », tous deux parus chez de respectables éditeurs.
Galéjade, me direz-vous ! Tentative de démocratiser un peu plus l’art à l’extrême afin de désamorcer un secteur où tôt ou tard tout est art ? Je ne sais pas.
Cela rejoint pour moi ces soient disant œuvres contemporaines qui viennent fleurir nos musées nationaux (étron en céramique, robe en viande de bœuf, concrétion de salive, tableaux immaculés, etc.)
Pour être élevé au rang d’art, plus besoin de relevé de l’esthétisme et donc du beau. Le laid, l’insignifiant, le négligé prend du galon, passe de l’impopularité à l’impénétrable sans passer par la case célébrité. Ça dérange qui ? Au risque de faire vieille France, je vais dire Moi. Je garde visé au corps le sentiment qu’on m’a pris pour un cornichon.
Que dire alors de ces deux livres ? Pour les avoir lu, voici mon humble avis.
Si au moins j’avais pu rire à la lecture de ces ouvrages didactiques, j’aurais baissé drapeau, ranger mon côté ronchon et admis qu’on peut bien se payer une bonne tranche de l’art sans pour autant déflorer le concept. Mais là, mes ami(e)s, quel ennui !! C’est prétentieux, pédant, universitaire au possible et on ne sait ni mieux dire des conneries ni mieux apprécier les pets de son entourage après lecture. Les conneries deviennent condescendantes et les pets suffisants et hautains.
Mais alors, on s’est laissé avoir. On a pris ces lanternes pour des vessies (et non le contraire cette fois) et on s’est fait berner en deux leçons. CQFD.
Méfiance donc reste mère de sûreté. Eloignons-nous des ces bat’arts, avat’arts d’une société qui voudraient faire manger leur soupe au plus grand nombre mais qui ne sont que des racont’art de bas étages.

lundi, octobre 23, 2006

cafardnaüm


Les pluies reviennent déjà sur notre beau pays, suivies de près par leur interminable cortège d’antipathiques chafouinades d’automne. Force est de constater qu’il va falloir définitivement renoncer à nos dernières espérances de voir s’éterniser ce surnaturel été indien.
La pilule est certes difficile à avaler, on recule, on rechigne, non je ne vais pas déjà ressortir collants et chaussettes, non le gaspacho ne se fera pas tout de suite voler la vedette par un velouté réconfort d’hiver et non de non je ne veux pas avoir à imaginer le sempiternel retour des goûtes, pastilles, pommades, gélules et autres suppo aux accents d’eucalyptus.
Pourtant, ami(e)s du Nord de La Loire rassurez-vous ! Le péril serait subjectif. Le danger pas aussi irrémédiable qu’il n’y parait. Un livre vient pourfendre ces funestes menaces pour nous sauver la mise, du moins pour cette année.
Notre messie : François Reyanert. Son objectif: frapper un grand coup sur le moral des troupes plutôt que de distiller le spleen ambiant par doses homéopathiques.
C’est la technique dite du sparadrap. On tire d'un coup, net et efficace plutôt que d’user d’une tendresse toute de façade en arrachant un par un les petits poils si frêles mais si tenaces.
Il le dit lui-même, son livre est dédié « au chien qui boite, aux zones pavillonnaires une après-midi de semaine, au dimanche en général, à tout ce qui de façon universelle et assurée, nous colle le bourdon ».
Rien de tel que de délimiter l’ennemi, de l’assigner à résidence, de le circonscrire dans son entièrté afin de mieux l’assommer, le juguler que dis-je l’assassiner !
Dans son petit panier Reynaert jette en vrac tout ce qui nous pourri l’existence, du plus dérisoire des dégoûts aux plus infernales des désenchantements.
Florilège : le petit cirque : « Tous ces gens groupés en cercle sur de pauvres bancs de bois (…) et cette âcre odeur de bête mouillée et de pull marin humide qui flotte dans l’air alors que nous en sommes à la pyramide zoologique, deux caniches vieillissants sont sur le dos d’une chèvre qui bave, elle-même montée sur le dos d’un lama sans âge…Le cirque colle le bourdon parce que le cafard est lié au cirque de façon ontologique. Prenez n’importe quelle pièce, film, opéra qui se passe autour d’une piste et vous verrez : dès le premier plan sur le trapèze, on sent qu’on va se ramasser une catastrophe en pleine figure. »
La maison de retraite : « Tout y est ralenti, feutré, on dirait que l’ascenseur lui-même se déplace en pantoufles tellement il est lent (…) de longs couloirs sont décorés de couchers de soleil sur le Rhin en aquarelle, des biches à l’étang en tapisserie, des cadeaux faits de la main même d’anciens pensionnaires (de telles horreurs ne peuvent être en vente libre). »
On referme son livre comme un tube de Xanax, le sourire aux lèvres avec la suffisance du dompteur qui a su maîtriser la bête.
Un ouvrage à s’offrir pour Noël pour faire passer la dinde et les guirlandes.

vendredi, octobre 06, 2006

Zeller mais pas la chanson

S'il y a bien une chose qu'on ne peut pas reprocher à Florian Zeller, c'est d'être franc sur la marchandise qu’il nous vend. Dès le titre, nous voilà avertis par quelques indices loin d'être sibyllins : "Neiges artificielles", "La fascination du pire", "Les amants du n'importe quoi", (je mets en gras l'évidente évidence mais c'est à Monsieur Zeller que je crois devoir ce goût immodéré de la redondance...) bref des titres en forme d'avertissement aux lecteurs.
Bien malin celui qui ira se plaindre qu'il vient d'acheter un truc pas frais, mon gars c'est écrit dessus, t'avais qu'à lire...
Avec "Julien Parme", on entre dans une zone soudain suspecte, l’usage du patronyme éponyme.
Pourquoi pas Maurice Salami, ou Robert Pastrami, j'avoue un faible pour Enrico Pas et Rosette Delion mais là je dérape sur le culinaire et c'est sans rapport à première vue avec l’objet de notre étude.
Bon, avec ce Julien Parme on nous prévient dès la quatrième de couv' qu'on va enfin pouvoir renouer avec le Holden Caulfield de Salinger et l'Antoine Doinel des 400 coups etc. Bref, du lourd.
Ça m'a un peu filé les chocottes au début, je me suis aussitôt dis que ce pauvre Zeller allait nager la brasse du petit chien dans ce costard de chez Capel mais bon il faut pas non plus laisser tout dire à son éditeur et surtout il faudrait avoir la force de lui interdire de sortir des énormités du type "Julien Parme" roman de l'initiation a mi-chemin entre Julien Sorel du Rouge et le Noir et La Chartreuse de Parme...
A sa décharge, Zeller botte en touche sur le site de son éditeur et rétablit un semblant de vérité en rejetant gentiment cette pesante filiation.
A vrai dire, cela ne le rend que plus aimable à mes yeux.
Ce qui est désarmant avec cet écrivain, c'est sa grande sensibilité, son aspect je me la ramène pas loin des Beigbeder et des Nicolas Rey qui se prennent pour des cacous de la littérature contemporaine. Lui, à coté de ces grands entubateurs de mouches fait profil bas, parle posément et sans emphase ce qui le rend globalement plutôt touchant. Le coeur de mon porte-monnaie étant en téflon certifié normes AZF n'a lui par contre pas encore fondu à ces arguments mais bon c’est la femme qui parle pas la raison. Quoi que.
Afin de vous éviter l’achat inutile de ce roman aussi initiatique qu’un calendrier des postes, voici un modeste résumé de l’intrigue :
Julien Parme petit bourgeois de 14 ans se sent mal aimé par sa mère en passe de se remarier avec un ploucos portant lavallière et chevalière. Se sentant coincé par des décisions parentales qu’il ne comprend pas, il décide de fuguer dans le XVIè arrondissement emportant avec lui la Mastercard du beau-père.
Comme le dit si bien le héros vers la fin de l’histoire : « Pas de quoi se pendre en slip ».
Arrête Florian, la franchise ça paye pas.

vendredi, septembre 22, 2006

Migration d'âme

Lorsque j’étais enfant, un écrivain du nom de Nicolas Bréhal vint élire domicile dans une jolie demeure bourgeoise du centre bourg du petit village où j’habitais.
Grand, ténébreux, le regard noir et douloureux, la bouche suave au sourire baigné de nostalgie, les cheveux crantés, toujours vêtu d’un long pardessus foncé qui lui conférait une élégance d’un autre temps, il faisait honneur aux habitants, sa discrétion convenant bien aux mœurs provinciales. Il a le premier pour moi véhiculé l’image du romancier imprégné par son art. Et je l’ai admiré immédiatement, peut-être même aimé comme une petite fille qui croit voir naître au réel un supposé prince idéal.
En hiver, rentrant de l’école à pieds lourds, je restais parfois à guetter face à cette maison où je l’imaginais emporté par la fièvre de la création. Derrière l’œil de bœuf qui dominait la toiture gris ardoise, j’inventais des cérémonies à la Tolkien, une bougie, un chat ronronnant, une tasse de café, un cendrier, des dictionnaires, des incantations faites à la muse littéraire et je l’enviais. Plus je l’enviais, plus je souhaitais être connue de lui.
Il m’a dédicacé tous ses livres.
J’étais encore trop jeune à l’époque pour les apprécier à leur juste mesure car ils parlaient d’amour, d’infidélité, de désir, des femmes et d’une paix toujours recherchée.
Sa mort, il y a déjà sept ans m’a laissé sans voix.
La belle demeure a été vendue et le village a sombré de nouveau dans la nonchalance anonyme.
« Sonate au clair de lune », « Les corps célestes » et tous ses autres livres sont devenus comme des fantômes dans ma bibliothèques, des reliques que je ne sors de leur rayon qu’avec le respect qu’on a pour les gens disparus que l’on a chéri par le passé.
Et c’est assez troublant pour moi d’avoir quelques années plus tard eu la chance de côtoyer à la faculté, le romancier Philippe Vilain, sosie physique et spirituel de Bréhal qui signe pour cette rentrée, un nouveau roman empreint de la même douceur, de la même vision de l’amour et des femmes que celles que son aîné revendiquait. Réincarnation, relève, métempsycose, hasards d’une vie ? Je suis fière en tout état de cause d’avoir pu approcher, toucher presque du doigt des créateurs qui ont entretenu chez moi le feu de la passion et du respect du verbe.

vendredi, septembre 01, 2006

Rentrée Littéraire : le pépette show

475 romans français viennent marquer cette rentrée littéraire cru 2006. Un cru noyé duquel n'émergeront que les grandes figures classiques et pas nécessairement les meilleures à savoir Christine Angot, Amélie Nothomb, Laurent Gaudé, Florian Zeller etc. Une seule motivation pour ceux là : "Goncourir". Car pour quoi d'autre gaver les libraires, les médias et éventuellement les lecteurs si ce n'est pour avoir l'autorisation de se présenter au Goncourt en novembre prochain? Si l'éditeur n'avait pas cette ambition masquée, penserait-il décemment entrer dans ses frais et envisager des bénéfices en propulsant ses poulains dans une course aussi encombrée et incertaine que celle d'un spermatozoïde en quête de l'ovule à féconder? En partant de l'équation communément admise qu'un lecteur moyen lit environ 23 livres par an, il lui faudrait environ vingt an avant de venir à bout de la rentrée littéraire de cette année. Autant dire que bon nombre d'écrivains vont rester sur le carreau, sacrifier sur l'autel du marketing, piétiner dans cet enfer pavé de bonnes intentions.
Vous allez penser que je crache dans le soupe et que malgré le dégoût que m'inspire cette grande messe (noire), j'aimerais bien être la 476ème plume de cette rentrée.
Désolée, mais vous auriez tort de le croire. Si un jour la chance m'est donnée d'être éditée, j'aimerai bien mieux être publié de manière plus confidentielle en début d'année, voire avant les grandes vacances. Il y a quelque chose de terrifiant à se retrouver entouré de 474 autres auteurs, sans aucun pied d'égalité au départ et sans grand moyen pour se sortir du lot à part le génie et encore! Cela me ferait l'effet d'être un puceau qui ferait sa première expérience dans un gang bang! Un peu dur d'imaginer être à la hauteur de la situation...
De plus, comble du ridicule, cette année c'est un américain Jonathan Littell qui vient manger le pain des français en publiant "Les bienveillantes". Roman écrit directement en français ce qui fait de lui un "goncourisable" de choix d'autant que son roman semble emporter l'adhésion de la presse et du public et que donc il serait et de loin, bien meilleur que toute la soupe aigre servie par nos classiques fut elle faite dans de vieux pots.
Pour ma part, je tirerai cette année mon épingle du jeu en choisissant de dépenser mes petites économies sur deux auteurs : le premier est Philippe Vilain, jeune auteur publié chez Grasset qui nage un peu la brasse coulée en cette rentrée gargantuesque et que j'ai décidé d'aider de ma modeste contribution, pas parce qu'il me parait meilleur que les autres que je n'ai pas lu et dont je ne dirais rien, mais juste parce qu'il était à la Fac à Rouen avec moi et parce que c'est un type sympa. Mon deuxième choix est assez faux cul de ma part puisque je botte en touche avec l'édition du journal de Julien Green "Le grand large du soir". Journal établi un an avant sa mort.
C'est de la rentrée littéraire comme j'aimerai en voir plus souvent!
Au fond, j'aime bien ce grand foutoir, je trouve cela assez distrayant et de toutes les façons l'essentiel est bien qu'on parle de littérature, qu'on s'en divertisse encore, qu'on frétille toujours rien qu'à l'évocation de cette formidable naissance, fut elle gorgonesque.
La critiquer, c'est un peu comme me mettre dans la peau de ces deux vieux briscards de Statler & Waldorf du Muppet Show. J'accuse, je me moque, je crie à l'assassin, je mets des mauvaises notes mais pour rien au monde je céderai ma place au balcon.

mercredi, août 23, 2006

Chutney sous les feux de la rampe

Depuis plus d'un an que je tiens ce blog à bout de doigts, vous m'avez gratifié de beaux commentaires, de vos avis, parfois divergents et c'est tant mieux, de vos conseils, votre humour et c'est à chaque fois du super remis dans mon moteur.
Me voilà aujourd'hui sortie du bois, tirant gauchement sur ma panoplie d'aspirante écrivain, bredouillant des remerciements improvisés comme s'il s'agissait de rien de moins que la remise d'un oscar hollywoodien, gênée par autant de déférences car oui, amis de la littérature, j'ai eu l'insigne honneur de me retrouver sur le devant de la scène grâce au très lucide et bienveillant site du Buzz Littéraire. Tout ça rien que pour moi! Je vous laisse imaginer la confusion puis l'émotion qui m'ont submergé tour à tour à la lecture de cet article dans ce contexte si prolixe et si valorisant!
Je vous recommande d'ailleurs hautement la lecture de ce site à vous tous amoureux des lettres, adepte des événements petits et grands de la scène littéraire contemporaine; il possède ce qu'il faut d'humilité, de recul et de réflexion pour être l'idéal terrain d'écoute et de partage des férus du verbe.
Vive la littérature, vive le Buzz Littéraire et longue vie aux éditeurs!

jeudi, août 10, 2006

Abracadabra fouchtra !

Je vous ai déjà parlé de Magnus Mills ici. Ce grand escogriffe aux allures de Daniel Pennac monté en graines (et quelle graine mes aïeux !) m’a encore fait chaviré dans un monde de délices à la lecture de ces deux autres romans : Retenir les bêtes et Trois pour voir le Roi.
Mention spéciale pour Retenir les bêtes qui atteint pour moi le sommet de la maitrise en matière de suspens improbable.
Son truc au Magnus, c’est l’économie de moyens, un contexte résolument désertique, des individus revenus de tout, des ambitions réduites à leur plus simple expression, un suspens qui se crée autour de trois bouts de ficelles et d’un clou en un mot comme en cent, du très grand avec du très petit.
Serait-ce donc par l’entremise de son nom aux consonances de formule magique que cet ancien chauffeur de bus londonien réussi si parfaitement à nous ficher la chaire de poule ?
Je n’en sais fichtre rien, toujours est-il, que foi de Chutney, je n’ai jamais rien lu de tel.
S’il y a bien magie, elle serait alors noire comme son humour, et aussi minimaliste qu’un tour de passe-passe.
Le génie littéraire de Magnus Mills réside dans la faculté qu’il a de nous parler de nous, de nos envies, de nos absurdités, de toutes ces choses qui nous empoisonnent l’existence et qui font que coûte que coûte nous nous devons de garder la tête haute pour sauver ce qui reste à sauver, même s’il ne reste plus que des apparences.
Une démarche philosophique s’il en est mais avec des mots, des vies, des situations simples et une réflexion sincère et noble sur notre condition d’humain qui doute, ou qui devrait.
Si j’avais une moustache, je suis certaine que je me la friserai de béatitude à la lecture de ses romans !

jeudi, août 03, 2006

De la fécondité

Bien cher(s) lecteur(s) et ami(s) de la littérature, je suis heureuse de refaire surface après quelques mois de lâche abandon. La raison en est simple quoique assez surprenante. J'attends depuis fin février une petite fille qui a fait de ma fertilité intellectuelle une morne plaine entre toundra et désert de Gobi.
Plus rien n’avait grâce à mes yeux, mon cerveau était momentanément devenu un mou de veau spongieux dans lequel passait un courant d’air au relent de gaz sarin.
Ebaubie par la grossesse, mes cellules nerveuses se sont concentrées sur cette petite vie, délaissant lectures, écriture, blog, ami(e)s devenus brutalement quantité négligeable.
J’ai bravement continué l’atelier d’écriture jusqu’à son terme en découvrant les angoisses de la page blanche et du « je sais pas quoi raconter ».
Dans un mystérieux principe de vase communiquant, ma fécondité physique avait pris le pas sur ma fécondité spirituelle.
Heureusement pour moi (car j’en gardais malgré tout une sorte d’aigreur et d’angoisse à l’idée de ne plus jamais retrouver ma passion) l’amour du verbe est revenu et avec lui, l’envie de donner à mon enfant l’accès à ce monde de magie.
Me voici de retour parmi vous et avec le plus intense plaisir j’attends vos futurs commentaires.
Bel été à toutes et tous.

* Dessin de Voutch

jeudi, avril 27, 2006

Paris en bouteille

Cette semaine à l'atelier d'écriture, nous avons abordé une fois de plus le nouveau roman mais cette fois sous le jour de Nathalie Sarraute et de son célèbre ouvrage"Tropismes".
En s'inspirant de cette auteur, nous avons eu la lourde tache de tenter à notre tour de retranscrire ces petits moments de l'existence où, au cours d'une conversation se glisse un mot, une phrase anodine qui vient vous heurter de plein fouet. Vous voilà destabilisé, incapable d'émettre la moindre protestation. Voici en avant première mondiale ma version des faits :
"« Tu dois savoir ça, toi qui n’est pas de Paris ? »
La sentence est tombée. Implacable. Glacée comme un couperet. Sèche et sans bavure. Générant une fugace sensation de fraîcheur dans la nuque si bien décrite par le père Guillotin.
Un souffle frais, disons le tout net, aussi bref qu’une gifle donnée sans élan. Puis, ce petit vent passé, votre tête devient rapidement lourde, si lourde qu’elle en tomberait, viendrait rouler au sol dans un bruit mat puis finirait sa course telle une toupie folle pour s’échouer enfin dans une bassine en zinc assez peu confortable cela va sans dire.
Vous avez beau vous ingénier à libérer de-ci de-là quelques grossières gerbes vermillon mais il est bien trop tard pour esquisser une quelconque désapprobation.
Vitupérer ou contester, là n’est plus la question car comment s’y prend-on lorsque sa tête vient d’être privé de son support ? Et quelle gestuelle de protestation adopter lorsque son corps n’a plus toute sa tête ?
A quoi bon tenir tête lorsque le corps n’y est plus c’est pas la peine d’aller chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien. S’entêter pour finalement devenir la tête de Turc d’une tête à claques, le jeu en vaudrait-il vraiment la chandelle ?
D’autant que cette question posée comme une sentence a disparu de la conversation aussi vite qu’elle y est apparue.
Si au moins un silence compassé avait été judicieusement disposé à la suite de ce point d’interrogation, signifiant là l’attente d’une réponse, mais non ! D’un même souffle votre interlocuteur a rebondi sur votre corps chancelant s’en servant là d’appui, de piédestal.
Si l’occasion vous avait été donnée vous auriez pu d’un ton très solennel répondre que « non, vous ne savez pas » mais alors si vous ne savez pas et qu’en plus vous n’êtes pas de Paris, mais qui êtes vous ?
Un manant, un anarchiste ? Hibernatus ou martien ? Anachorète ou mongolien ?
Et si vous savez, vous qui n’êtes pas de Paris; que se passe t’il alors ?
Se rachète t’on, pour autant que cela soit encore possible ? Vaut-on tout à coup mieux qu’un parisien ou marquons nous là l’attendue différence qui oppose à jamais la tête de chien du parisien à la tête de veau du pèquenaud.
Savoir, c’est avouer. Ignorer, se désavouer.
Peu de place donc pour les techniques d’autodéfense. A la rigueur la feinte bien connue de l’indifférence pourrait-être employée seulement pour se faire, il faudrait encore pouvoir simuler or je vous rappelle que dans votre regard vitreux, là, pale comme une endive dans le fond de votre bassine en zinc, vous ne fait ni illusion ni concurrence aux apprentis comédiens de l’Actor Studio.
A la manière d’un poulet à qui l’on vient de trancher la tête, vous voilà trottinant de droite et de gauche, fuyant l’évidence, refusant obstinément de vous rendre, luttant amèrement contre les lois de l’existence terrestre d’un air goguenard et pathétique.
Comme cette poule émouvante dans sa détresse, vous voilà réduit à un simple état de nerf. Et c’est bien là tout le fond du problème, vos nerfs.
Sans eux, vous n’auriez pas été contraint de rester là en apnée, vous auriez pu réagir convenablement et pour une fois, tenter d’être à la hauteur.
Mais c’est qu’avec une tête en moins on se sent pour le coup bien diminué surtout si en plus, on ne sait pas, et qu’on n’est pas de Paris. Parce qu’au moins à Paris, la question ne se pose pas. D’ailleurs on ne se pose pas de question à Paris ou alors juste comme ça pour vérifier qu’on connaît la réponse ou pour piéger un pigeon voyageur.
Paris ville lumière. Paris, ville des lumières. Comment l’oublier ?
D’autant qu’ailleurs, il fait nuit. On s’y éclaire à la bougie et on se serre les uns aux autres pour se tenir chaud l’hiver.
C’est que chez nous les livres, on les brûle. C’est un combustible pour le corps, pas pour l’esprit.
Bon, voilà votre interlocuteur qui cherche votre regard. Et d’ailleurs vous aussi agenouillé près de la grande bassine en zinc vous voilà cherchant à tâtons ce qui pourrait bien être vous.
Vous enfin ! Pauvre ère tentant de revisser tant bien que mal sa triste figure sur le reste de son anatomie…
Vous clignez des yeux, remuez la bouche, testez vos réflexes accentuant mille mimiques pour désengourdir vos nerfs tant et si bien que votre interlocuteur aussi dubitatif qu’éberlué face à ce visage grimacié, tourne les talons en se disant rasséréné que décidément non, vous n’êtes pas comme tout le monde."

lundi, avril 10, 2006

Atelier d'écriture, deuxième épisode

Voilà désormais six mois que je participe à un atelier d’écriture parisien. Mes premières impressions (voir article du 8 décembre dernier « La France exacte ou presque ») étaient somme toute assez nuancées voire mitigées.
Quoi de neuf depuis ? Après quelques désistements (nous avons eu la tristesse de perdre le très (trop?) incisif Charles-Eric…) notre petit groupe s’est vu progressivement diminué et passer de 13 à 8 participants.Cela n’a pas pour autant ni resserré les liens qui auraient pu nous unir les uns aux autres (sauf quelques rares exceptions) ni densifié les cours.Par contre, je peux maintenant donner très clairement et dans la plus grande impartialité mon avis sur les avantages d’assister à ce type d’atelier et les bonnes raisons qui doivent vous y mener.
Je conseillerais un demi-tour gauche à tous ceux qui pensent que :
- Ecrire s’apprend (en dehors des cours de CP).
- On va vous enseigner les techniques narratives.
- Sans aimer lire on peut aimer écrire.
- Chacun de vos écrits sera sanctionné, corrigé et réorienté.
- Vos atouts de départ vont croître et embellir.
- Vous trouverez des auditeurs attentifs et pertinents.
- Vous allez laisser tomber vos tics d’écriture et vos penchants naturels.
- Assister assidûment aux cours vous prémunit de travailler l’écriture par ailleurs.
Par contre, soyez les bienvenus si vous pensez trouver :
- Un groupe de gens qui auront pour point commun avec vous le goût de l’écrit.
- Un animateur consensuel.
- Des approches diverses et variées de courants littéraires (monologue intérieur, écriture blanche, le surréalisme etc).
- Un ou deux participants toujours avides de vous cataloguer.
- Quelques soirées interminables autour d’une tisane tilleul-verveine à discuter en sous groupe de l’intérêt d’utiliser le passé composé dans l’écriture blanche…
- Une toute petite émulation de groupe.
- Un enrichissement personnel raisonnable et raisonné.
Le seul hic est le tarif. 345 euros le trimestre c’est beaucoup trop cher. Le véritable intérêt réside dans la rencontre avec des personnes intéressantes et dans le fait de se retrouver face à des contraintes d’écriture qu’on ne se serait pas imposé seul.Pour ma part, le fait de devoir plancher sur l’écriture blanche* à été une véritable épreuve. Pour d’autre, cela coulait de source. Même souci sur le monologue intérieur** où j’ai eu beaucoup de mal à déconstruire le récit afin que les phrases se succèdent comme dans l’anarchie d’un raisonnement inconscient.
En voici un exemple avec une partie de mon texte et un que j’ai emprunté à une participante :
« Le plus beau jour de ma vie !! Dommage que le stress… l’heure ? 16h30, inquiétant ? Trente minutes ! Curé passé où ? Mains moites, transpiration, la bague ? Ok poche gauche, poche gauche, quoi d’autre ? Ah oui, le traiteur, dommage cassolette de ris de veau par 35°, je l’avais dit mais comme d’habitude voilà, trop faible trop faible faudra que ça change avant qu’il soit trop tard. Et Véro pas là, est-ce qu’elle va se souvenir de passer directement à la chanson numéro 5, sinon c’est cata, si elle oublie de passer en 5, on arrive directos sur quoi déjà ? Oh non ! Ce ne serait pas la chanson de Boris Vian ? « On n’est pas là pour se faire engueler, on est là pour voir le défilé ! » Défilé tu parles d’un défilé sans cortège ! Et un mariage sans la mariée ça donne quoi ? En même temps ça change… Tiens, c’est quoi ce truc ? L’organiste fait ses gammes, ou alors c’est la marche nuptiale version Olivier Messiaen, si je me retourne je suis bon pour recevoir de plein fouet le regard compassé d’environ 200 personnes, mains moites mains moites, rester digne, surtout rester digne, poche gauche, poche gauche, j’espère qu’il ne lui est rien arrivé bon sang, la pauvre quelle angoisse, c’est quoi cette tache de boue sur le bord de ma godasse, un chien ? Si discrètement je la frotte le long des franges du prie dieu, y a des chances que…d’ici deux secondes le curé va venir me faire des remontrances pour retard sur timing ! Et ce costard qui me moule comme un bas de contention, quelle horreur ! Y aurait que moi, je courrais tout droit vers la sortie, non avant j’irais vider cul sec le vin de messe puis j’irais piquer les sous de la quête et filerais devant les regards médusés de la famille Duchemole au volant de la Mercedes de location sans demander mon reste ! Sous l’effet de la vitesse, les couronnes de fleurs tomberaient les unes derrières les autres dans une pluie de pétales… Ca se fait un jogging blanc pour le vin d’honneur ? Pas le droit d’être à l’aise le plus beau jour de sa vie. »
Pour ce texte, je me suis pris une belle remontrance car j’avais outrepassé mon droit d’aspirant écrivain. J’avais osé écrire au masculin ! Cela n’a pas plu à certains de ces messieurs…
Voici le texte emprunt de poésie fleurie d’une autre participante, avec toujours en contrainte le monologue intérieur :
« Putain, j’ai pas le temps, putain pas le temps, con de clé ! Ah ! Il faut que je ponce la marche. Bon. Pourquoi, ce panneau, se détache toujours quand je suis pressée punaise ! C’est la dernière fois que je loue un meublé. Cintre, manteau, non l’inverse repose le cintre enlève le manteau reprends le cintre range le manteau. Quelle heure est-il ? Oh non ! Bon, qu’est-ce que je fais ? Le chevreuil. La gelée de framboise, douche. Mijoter une heure ? Plus de gel douche ! Oh putain j’ai failli clamser ! Je dois mettre un tapis de bain ça serait con d e m’enfoncer le coin de la baignoire dans la gueule ! Elle va en faire une tête Caro quand elle va le voir ! Ah t’en as jamais eu d’aussi beau dans ton lit hein ?! Pourtant ça a défilé ! Et t’es fière en plus ! Ces jets thalasso quel bonheur, j’ai bien fais de m’offrir ce truc. La vendeuse était une pouffe peroxydée qui mettait pas son produit en valeur genre, achetez ça Hollywood vous ouvrira ses portes…Raaah j’ai de l’eau dans l’oreille. Si il me voyait me tortiller comme ça le julot il ferait demi tour. Il faut pas que j’oublie de ramener le dossier Cariche lundi. Franchement à ce niveau c’est de l’exploitation pure et simple : un soir où j’e lui ai dit que je voulais partir à l’heure le Landru. Un soir. Aaah c’est chaud. Il m’a gardée plus tard que jamais le salaud. T’avais qu’à quitter ta femme connard, il faut pas s’étonner si j’ai d’autres fréquentations après m’avoir laissé poirauter comme une conne à Saint Tropez. Ah ! Quand je présenterai mon apollon à la prochaine fête du bureau il va être vert de rage le Landru. Fallait quitter ta femme. Enceinte ! J’croyais qu’il y avait plus rien entre vous. Il m’a bien prise pour une débile. Cette garce. Elle fout rien de ses dix doigts. Passer son temps en institut de beauté ça mérite l’amour ça ? » ***
Voici donc la preuve d’une certaine diversité au sein des ateliers…Le maître mot est de se lâcher alors bien sûr c’est comme dans tout, certains pensent alors que tout est permis et qu’on peut agir en écriture comme en alcool. Il y a dès lors des excès qui ont bien vite le goût du vomi.
Mon conseil, si vous doutez de vos capacités à assister à un atelier d’écriture dites vous bien que la simplicité et l’humilité seront toujours de précieux alliés et au mieux achetez vous l’incontournable livre de Jean Guenot « Ecrire ». Il vaut tous les ateliers du monde.
* technique littéraire basée sur l’absence d’engagement de l’auteur et de style avec phrases simplissimes et concrètes.
** discours sans auditeur et non prononcé par lequel un personnage exprime sa pensée la plus intime.
*** retranscrit avec les fautes d’orthographes originelles.

dimanche, mars 12, 2006

Enfer en toc


Après avoir malencontreusement échoué sur les rives souillées du Paradis de Mitch Albom, quoi de mieux que d’aller se retaper la fraise en allant toquer aux portes du malin voisin Lucifer afin de voir si l’herbe y pousse plus verte ?
Le constat y fut brutal et sans appel : On s’ennuie autant en enfer qu’au paradis.
C’est cependant en bon commercial que Satan lui-même m’a recommandé les deux blockbusters de la saison, sans cucuteries, sans sentiments frelatés, du pur du vrai du consommé, des trucs d’enfer.
- « Très chère Chutney, mettez-vous à l’aise et dégustez avec vos doigts ce formidable roman, entre nous, c’est une commande du patron, vous allez voir le petit Jésus en culotte de velours ! » Mon supplice commençait. Je devais ingurgiter cette bouillie infecte distillée sur 507 pages, un bouquin que Victoria Beckham elle-même aurait pu renier si elle avait appris à lire.
Plus de 5 millions d’exemplaires vendus, autant de cervelles en déroute (dont la mienne).
Il s’agit bien entendu de l’inénarrable « Le diable s’habille en Prada » bientôt suivi du tome 2 « Ta mère en string Gucci au Prisu ».
Quelle étonnante sensation ? L’impression de boire en intraveineuse les eaux du Léthé*, une page tournée, une page oubliée, un chapitre terminé, un chapitre envolé et ainsi de suite.
Bien sûr, l’habit ne fait pas le moine mais le diable, même habillé en Prada, ça fait vraiment travelo.
Et là, j’entends les voix qui s’élèvent :
- « Dites donc Chutney ! Vous critiquez, vous critiquez c’est bien gentil mais après tout, qui vous force à lire jusqu’au bout des livres qui ne vous plaisent pas ? Sadique ou masochiste ? »
Et bien je vous remercie de m’avoir posé la question. C’est que pour bien dénoncer quelque chose, il faut en avoir fait le tour. Je suis un peu le Zorro de la bibliothèque, je traque ceux qui n’y ont pas leur place. A la lettre W, je libère Max Weber et Oscar Wilde de cette Lauren Weisberger afin qu’ils puissent reprendre leur conversation entre personnes de bonne compagnie, je préviens la collègue, la sœur, l’amie des affres de telles lectures et redirige l’achat d’impulsion vers des rivages plus sains : Gary, Gide, Green, Gogol…
J’espère répondre à votre question.
507 pages plus tard, Satan, voyant ma moue incrédule et mes traits tirés vers le bas me sortit de dessous son froc, sa botte secrète.
- « Pour la modique somme de 10 euros, je vous donne à voir l’histoire de vies que les paradis (fiscaux ou artificiels) n’ont pas réussi à rendre heureuses. Pour cette somme je vous donne, l’adaptation au cinéma du best seller de la romancière Lolita Pille, du shopping avenue Montaigne, des soirées au champagne, de la poudre aux yeux et des repoudrages de nez, du V8 hurlant aux feux rouges, des cris, des pleurs, des interrogations existentielles épaisses comme des sandwichs SNCF, des conversations animées, des Montblanc qui fuient et des Dupond en panne d’essence, des peelings à l’acide glucolique, du Botox, du etc etc etc etc. »
Après une heure et demie de dithyrambe satanique, je m’étais endormie.
* fleuve mythologique de l’oubli

dimanche, février 26, 2006

Evangelight

Mitch Albom n’est pas à proprement parlé un grand penseur moderne.
En même temps, avec un prénom de série K et une activité professionnelle liée à l’écriture d’articles sportifs, il ne fallait pas rêver, même rêver américain.
On aurait pu, à la rigueur, l’envisager en philosophe de la cabane à frites, en théoricien du goal-average, en tacticien du double braquet et encore.
Et pourtant, tout arrive au pays de Bill Gates et des Castors Juniors, tout arrive et bien souvent cela porte le visage botoxé du pire, et c’est ça qui est merveilleux aux US, c’est que le pire peut rapporter autant que le meilleur sans que cela suscite le moindre complexe ou la moindre interrogation. Un véritable encouragement à la médiocrité. Un appétit charnel à confondre lacunaire et pécuniaire, à nous faire bouffer du Bolino en nous faisant croire qu’il s’agit d’ambroisie.
Une galéjade qui nommerait un type « cinquante centimes » et qui en récolterait des bénéfices ubuesques.
Ceci à la couleur de la mouscaille, l’odeur de la mouscaille, le goût de la mouscaille et bien surprise, c’est de la mouscaille ! Poussez pas, y en aura pour tout le monde !!
Et à ce titre, soyons mondialiste, notre bon pays des Lumières n’est pas en reste (ndlr : voir précédents post : Lolita Pille et Face de Rat, Quand l’habit ne fait pas le moine, Parties culs alimentaires etc).
Bon, le vrai problème avec Mitch Albom n’est pas qu’il écrive avec ses dents (qu’il a longues) le problème est qu’il ne suffit pas de se prendre pour Dante pour faire de son roman une Divine Comédie. CQFD.
Les américains et leur puritanisme bon ton adorent ce genre de prédicateurs brushés et rasés de frais. Albom a voulu exploiter ce filon fielleux en prenant comme personnage central un type sans grand relief qui a mené une existence terne et triste et qui s’apprête à mourir d’un accident alors qu’il a atteint l’age limite de validité depuis un bail et qu’il est perclus de rhumatismes et certainement de trucs encore plus graves que la décence de l’auteur nous a épargné. Ambiance…
Heureusement, les éditions Pocket ont pensé à tout en rajoutant le bandeau rouge sur la couverture du livre : « Le roman qui réconcilie avec la vie ».
Et une publicité mensongère de plus, une !
Si la sécurité sociale et tous les psy de la terre remboursaient ou conseillaient cette proza(i)c lecture aux dépressifs et suicidaires de tout poil, je crois bien que le Pompes Funèbres Générales feraient leur entrée au CAC 40.
Non mais sans blague ! Le type meurt, bon c’est presque un soulagement pour lui, il arrive au paradis et y rencontre cinq personnes qu’il a connu ou en tout cas qui ont eu leur importance dans sa vie. Résultat des courses dans la onzième : Il a tué deux types sans le savoir, à cramé au lance flamme une petite fille lors de la guerre du Vietnam, passé sa vie à haïr un père qui en fait n’était pas si con que cela et obtient confirmation que l’épouse qu’il a perdu d’une épouvantable maladie était bien la femme de sa vie.
Merci Mitch pour cette leçon de vie, je crois que je vais aller me recoucher tout de suite avec trois Valium, une barrette de Lexomil et un calva pour faire glisser le tout.
Restons compréhensif tout de même et reconnaissons au moins une vertu pédagogique à Monsieur Albom : celle d’avoir glissé un excellent participe passé dans son titre.
Et laissons lui le dernier mot dans un ultime moment de recueillement:
« Ce n’est que beaucoup plus tard, quand la peau pendouille et que le cœur s’affaiblit, que les enfants comprennent que leurs histoires et toutes leurs réussites s’ajoutent à celles de leurs parents dans les eaux de la vie
Amen.

mercredi, février 08, 2006

Richard Millet : le bon grain de l’ivraie

Les soldes se terminent et pourtant, pourtant de nombreux écrivains continuent à être réduits, vendus au rabais, bazardés, étiquetés parce que l’humain comme la bêtise à horreur du vide et qu’il faut bien meubler. Parisianiste, germanopratin, animalier, régionaliste ou insulaire on identifie à tout va et on range le tout dans de petits tiroirs d’apothicaire. Et puis on oublie…
Richard Millet fait parti de ceux là, de ceux que l’on a caché derrière une oriflamme limitative. Or Richard Millet n’est pas un écrivain régionaliste. Richard Millet n’est pas un Auteur d’Origine Contrôlée. On ne le trouvera pas classé entre foire aux grattons et festival de l’espadrille de Mauléon car Richard Millet est inclassable bien loin du tout à l’égout linguistique de ses contemporains de plume.
Ne revenons pas sur le triste entretien qu’il eut avec le non moins triste Frédéric Beigbeder dans les pages de l’Express ou plutôt si, revenons y car j’ose insister sur le fait que Millet est un auteur rare, fanatique de littérature et de verbe, pourfendeur de mièvreries et d’eau tiède que les générations actuelles idolâtres et portent aux nues. Lorsque Beigbeder lui-même se compare à un néo-Stendhal, qu’il désigne Anna Gavalda comme la descendante en ligne directe de Sagan, il dresse malgré lui un portrait de la littérature contemporaine à coup de marteaux et de burins. Si c’est bien cela la littérature du XXIè siècle, elle porte alors un visage de putain maquillée chez Ripolin.
Car c’est bien cela que revendique Beigbeder en reprochant à Millet son mutisme, son attitude de résistant emmuré dans son bunker à la manière d’un Sallinger. Il justifie son abus des médias en disant que c’est le dernier rempart à l’oubli de la littérature. Le show sauvera les belles lettres. Rimbaud et Verlaine en remake français de Brokeback Mountain et Gide au procès d’Outreau en direct sur LCI pour les commentaires, c’est vrai que ça aurait de la gueule. Dans le monde de Beigbeder.
Jetez-vous sur Millet, dégustez ses romans, délectez-vous de cette maîtrise et de ce respect de la langue, remettez vos compteurs à l’heure en renouant avec ce que Belles lettres veulent dire et n’oubliez pas, pour que vive la littérature, prenez garde que le grain ne meurt.

vendredi, janvier 27, 2006

The Jane Austen Power

Après avoir traversé, non sans mal, ces semaines de gastroentérites, de grippe aviaire et de grippe tout court, il est, je crois de bon augure d’aller se mettre quelques petits papillons dans le ventre en se replongeant dans l’œuvre brillante que nous a léguée Jane Austen.
Sachant que le septième art allait nous offrir une fois de plus courant 2006 le raccourci d’une oeuvre majeure, je me suis mise en demeure de lire ce merveilleux pavé qu’est «Orgueil et préjugés». J’y ai découvert avec délectation l’histoire passionnante et passionnelle d’Elizabeth Bennett et Marc Darcy (et non Marc Dorcel comme je l’ai, de triste mémoire, déjà entendu…). Bien sur, je suis bonne fille et, j’ai comme beaucoup d’entre nou(e)s, trouvé en Monsieur Darcy la personnification de l’homme idéal. Fort, protecteur, un brin taiseux, du genre à ne pas avoir les deux pieds dans la même derby et surtout un flegme et une sensibilité toute britannique. Mais, à la lecture d’ «Orgueil et préjugés » comme dans « Emma » ou « Raisons et sentiments », ce qui m’a le plus plu, c’est le portrait que Jane Austen dresse de la bourgeoisie anglaise du XVIIIè bien entendu mais aussi et surtout son humour et sa vision de l’amour alors qu’elle-même n’a jamais connu les égarements du coeur.
C’est donc baignée de cette représentation idéale de l’existence et non moins éprise de ce cher Darcy que je m’en fus un beau matin de RTT visionner seule le dernier opus de Joe Wright. Seule mais avec force mouchoirs, bien calée au troisième rang de mon UGC de quartier.
J’avoue ne pas avoir été déçue, surtout pas Darcy qui, chaud comme un muffin tout juste sorti du four dans sa redingote ajustée m'a fait défaillir plus d’une fois, un véritable supplice pour célibataire au long cours …
Mais, il faut raison et sentiments garder. J’avoue avoir été passablement agacée par les minauderies de Mademoiselle Keira Knightley qui est sensée incarner la très gifted Elizabeth Bennet. Elle est bien entendu très jolie et ce n’est pas la jalousie qui me fait parler (un peu quand même mais ce n’est pas là l’essentiel) en fait, elle m'a profondément ennuyée avec ses petits sourires étudiés et ses mordillages de lèvres qui doivent certainement être aussi inconscients que l’est son QI.
Ce qui m’a particulièrement plu par contre, au-delà des coupes sombres et des inadmissibles raccourcis employés par Joe Wright, ce sont les costumes. Pour une fois enfin on y croyait !
Du vrai tissus, usé, fatigué, mal repassé du vintage pour sur, nous qui étions habitués à sentir la savonnette à la violette et à voir des costumes tout droit sortis du 5 à sec dès qu’on nous présente un film d’époque, j’ai été conquise par tant de sobriété et de justesse.
La conclusion reste simple, il faut lire les livres et ne jamais se contenter d’une adaptation cinématographique aussi brillante soit elle. Nous nous devons de laisser aller notre imaginaire car il sera toujours de loin le meilleur des metteurs en scène.

mardi, janvier 17, 2006

L'homme qui aimait les femmes

David Foenkinos n'a que 32 ans mais une sensibilité aux femmes digne d'un Charles Denner sur le retour.
J'ai acheté son roman intitulé "Le potentiel érotique de ma femme" parce que le titre m'a bien plu et parce que je venais de "sortir" de Catherine Millet. L'érotisme étant très loin de cette dernière, je me suis dit qu'un bon bain de stupre me remettrait les compteurs à niveaux. J'avoue avoir été comblée au-delà de toute espérance, pas sur le point de vue de l'érotisme, entendant nous, mais plutôt sur la plume du jeune homme. Il a l'écriture visuelle, un sens aigu de l'observation et une vision du monde presque aussi amère qu'un Salinger sous Xanax. Je ne le comparerai pas, comme certains l’ont déjà fait, à Marcel Aymé car je ne trouve pas cela très juste de comparer un jeune auteur à des pontifes de la littérature française. Foenkinos écrit comme personne et personne n’écrit comme Foenkinos même si en secret je le range dans mon petit sac à mascottes en soie brodé auprès de Jean-Marie Laclavetine, Maupassant et Romain Gary … Il y a chez lui, cette façon de dépeindre les choses, les êtres et les situations avec un humour corrosif pétri d’une déroutante maturité.
Lors du désormais fameux Salon de l’Hôtel de Ville, je n’ai heureusement pas fait que croiser le chemin de Thomas Lélu (en ballotage dans ma circonscription), ce qui m’avait attiré dans ce chancre de la dorure sur bois à la feuille d’or, c’était avant tout David Foenkinos. Dieu Grec dans temple de la jaquette.
J’ai rencontré un type tout en longueur, l’allure d’un Michel Berger d’avant France Gall, le genre de garçon que l’on rêve d’avoir en copain au lycée ou en copain tout court. Il m’a accueilli avec une profonde cordialité, m’a fait une dédicace superbe sur son dernier livre « En cas de bonheur » que j’ai dévoré et m’a même dit qu’il m’attendait l’année prochaine sur le même salon pour mon premier livre.
La classe ! Il ma conquit pour la vie !
Quand je vous dis que ce type aime les femmes…

dimanche, janvier 08, 2006

Belle année 2006 !!!


Je vous souhaite à toutes et tous une très belle année marquée sous le signe de la découverte littéraire.
Repoussons les démons de la littérature de chiottes et gardons toujours un oeil dans le rétro!
Et rappelons le, il n'y a pas de mauvais ecrivains, il n' y a que de mauvais lecteurs donc ne nous laissons pas terrasser par la médiocrité!
Live with books
Leave bad books*

Merci Saoul-Fifre!