dimanche, février 26, 2006

Evangelight

Mitch Albom n’est pas à proprement parlé un grand penseur moderne.
En même temps, avec un prénom de série K et une activité professionnelle liée à l’écriture d’articles sportifs, il ne fallait pas rêver, même rêver américain.
On aurait pu, à la rigueur, l’envisager en philosophe de la cabane à frites, en théoricien du goal-average, en tacticien du double braquet et encore.
Et pourtant, tout arrive au pays de Bill Gates et des Castors Juniors, tout arrive et bien souvent cela porte le visage botoxé du pire, et c’est ça qui est merveilleux aux US, c’est que le pire peut rapporter autant que le meilleur sans que cela suscite le moindre complexe ou la moindre interrogation. Un véritable encouragement à la médiocrité. Un appétit charnel à confondre lacunaire et pécuniaire, à nous faire bouffer du Bolino en nous faisant croire qu’il s’agit d’ambroisie.
Une galéjade qui nommerait un type « cinquante centimes » et qui en récolterait des bénéfices ubuesques.
Ceci à la couleur de la mouscaille, l’odeur de la mouscaille, le goût de la mouscaille et bien surprise, c’est de la mouscaille ! Poussez pas, y en aura pour tout le monde !!
Et à ce titre, soyons mondialiste, notre bon pays des Lumières n’est pas en reste (ndlr : voir précédents post : Lolita Pille et Face de Rat, Quand l’habit ne fait pas le moine, Parties culs alimentaires etc).
Bon, le vrai problème avec Mitch Albom n’est pas qu’il écrive avec ses dents (qu’il a longues) le problème est qu’il ne suffit pas de se prendre pour Dante pour faire de son roman une Divine Comédie. CQFD.
Les américains et leur puritanisme bon ton adorent ce genre de prédicateurs brushés et rasés de frais. Albom a voulu exploiter ce filon fielleux en prenant comme personnage central un type sans grand relief qui a mené une existence terne et triste et qui s’apprête à mourir d’un accident alors qu’il a atteint l’age limite de validité depuis un bail et qu’il est perclus de rhumatismes et certainement de trucs encore plus graves que la décence de l’auteur nous a épargné. Ambiance…
Heureusement, les éditions Pocket ont pensé à tout en rajoutant le bandeau rouge sur la couverture du livre : « Le roman qui réconcilie avec la vie ».
Et une publicité mensongère de plus, une !
Si la sécurité sociale et tous les psy de la terre remboursaient ou conseillaient cette proza(i)c lecture aux dépressifs et suicidaires de tout poil, je crois bien que le Pompes Funèbres Générales feraient leur entrée au CAC 40.
Non mais sans blague ! Le type meurt, bon c’est presque un soulagement pour lui, il arrive au paradis et y rencontre cinq personnes qu’il a connu ou en tout cas qui ont eu leur importance dans sa vie. Résultat des courses dans la onzième : Il a tué deux types sans le savoir, à cramé au lance flamme une petite fille lors de la guerre du Vietnam, passé sa vie à haïr un père qui en fait n’était pas si con que cela et obtient confirmation que l’épouse qu’il a perdu d’une épouvantable maladie était bien la femme de sa vie.
Merci Mitch pour cette leçon de vie, je crois que je vais aller me recoucher tout de suite avec trois Valium, une barrette de Lexomil et un calva pour faire glisser le tout.
Restons compréhensif tout de même et reconnaissons au moins une vertu pédagogique à Monsieur Albom : celle d’avoir glissé un excellent participe passé dans son titre.
Et laissons lui le dernier mot dans un ultime moment de recueillement:
« Ce n’est que beaucoup plus tard, quand la peau pendouille et que le cœur s’affaiblit, que les enfants comprennent que leurs histoires et toutes leurs réussites s’ajoutent à celles de leurs parents dans les eaux de la vie
Amen.

mercredi, février 08, 2006

Richard Millet : le bon grain de l’ivraie

Les soldes se terminent et pourtant, pourtant de nombreux écrivains continuent à être réduits, vendus au rabais, bazardés, étiquetés parce que l’humain comme la bêtise à horreur du vide et qu’il faut bien meubler. Parisianiste, germanopratin, animalier, régionaliste ou insulaire on identifie à tout va et on range le tout dans de petits tiroirs d’apothicaire. Et puis on oublie…
Richard Millet fait parti de ceux là, de ceux que l’on a caché derrière une oriflamme limitative. Or Richard Millet n’est pas un écrivain régionaliste. Richard Millet n’est pas un Auteur d’Origine Contrôlée. On ne le trouvera pas classé entre foire aux grattons et festival de l’espadrille de Mauléon car Richard Millet est inclassable bien loin du tout à l’égout linguistique de ses contemporains de plume.
Ne revenons pas sur le triste entretien qu’il eut avec le non moins triste Frédéric Beigbeder dans les pages de l’Express ou plutôt si, revenons y car j’ose insister sur le fait que Millet est un auteur rare, fanatique de littérature et de verbe, pourfendeur de mièvreries et d’eau tiède que les générations actuelles idolâtres et portent aux nues. Lorsque Beigbeder lui-même se compare à un néo-Stendhal, qu’il désigne Anna Gavalda comme la descendante en ligne directe de Sagan, il dresse malgré lui un portrait de la littérature contemporaine à coup de marteaux et de burins. Si c’est bien cela la littérature du XXIè siècle, elle porte alors un visage de putain maquillée chez Ripolin.
Car c’est bien cela que revendique Beigbeder en reprochant à Millet son mutisme, son attitude de résistant emmuré dans son bunker à la manière d’un Sallinger. Il justifie son abus des médias en disant que c’est le dernier rempart à l’oubli de la littérature. Le show sauvera les belles lettres. Rimbaud et Verlaine en remake français de Brokeback Mountain et Gide au procès d’Outreau en direct sur LCI pour les commentaires, c’est vrai que ça aurait de la gueule. Dans le monde de Beigbeder.
Jetez-vous sur Millet, dégustez ses romans, délectez-vous de cette maîtrise et de ce respect de la langue, remettez vos compteurs à l’heure en renouant avec ce que Belles lettres veulent dire et n’oubliez pas, pour que vive la littérature, prenez garde que le grain ne meurt.