lundi, octobre 29, 2007

Et une moule frites pour la douze!

Dur, dur d’assumer que le livre le plus porté aux nues de la rentrée vous a fait ronfler dessous la table mais bon je me lance : Non je n’ai pas aimé « La physique des catastrophes » de Marisha Pessl.
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Le silence se fait, les têtes se tournent vers moi, m’inquisitionnent, me détaillent, me décortiquent, me méprisent sans ciller, me font et me défont pour ne laisser de moi qu’un gaz suspendu dans l’air. Pschiit…….. Quelqu’un aurait parlé ?
Oui, oui je me permets d’insister, à cause du prix tout d’abord, à cause des vessies ensuite que j’ai été la première à avaler sans examen préalable et qui continuent de me ballonner.
On nous criait au génie et j’ai foncé bêtement, faisant fi de quelques années d’apprentissage au niveau foutrage de margoulette des services marketing et autres consorts de la presse parisienne, négligeant la taille du pavé (plus de 600 pages écrites toute petites) et l’embarras dans le métro quand vous sortez votre parpaing de votre sac tout avachi au milieu d’une foule compacte quoiqu’hétérogène et pour le moins dédaigneuse.
Mais négligeons l’aspect pratique et financier pour ne s’en tenir qu’au texte lui-même et relativisons : l’auteur n’a que 28 ans et de ce point de vue là il est effectivement admirable de constater le niveau culturel de la demoiselle et sa maturité ; l’écriture est belle, souvent drôle et bien ficelée mais on avance dans le livre comme une mouche engluée dans une polenta camembert !
Une idée en fait venir une autre et de digression en digression je me suis souvent surprise à lire en mode automatique c'est-à-dire sans que mon cerveau n’arrive à intégrer, à ingérer et digérer ce que je lisais.
Très décevant au niveau de l’estime de soi quand on referme le livre et qu’on comprend que l’on a rien compris. A la relecture, rien à faire, je ne passais jamais la seconde, figée sur l’embrayage, faisant patiner le moteur cérébral dans un crissement infernal.
Poussée par la curiosité et relativement triste de me sentir hors jeu, un rien sur la béquille, j’ai lu la critique du Magazine Lire, qui intelligemment dévoilait le nœud de l’intrigue et pour ainsi dire l’issue du roman. Je compris alors que m’étant arrêtée à la page 283, je n’étais pas encore arrivée au centre de l’intérêt du roman et que donc peut être qu’une fois l’action développée mon cerveau accepterait enfin de débrayer.
Hélas! Mille fois hélas! Nul débrayage à l'horizon, force fut de constater qu'une bielle avait été coulée et qu'une jachère de quelques semaines ou mois s'imposait.
Mange tes moules Marisha, ca va refroidir.

jeudi, août 30, 2007

Douze fois par jour

Chouette, revoilou la rentrée littéraire avec son cortège que dis-je, son armada d'opuscules tout beaux tout chauds... Cette année, 727 romans (493 français, 234 étrangers dont 102 nouveaux auteurs rien que ça), vont venir fleurir les devantures de nos librairies et flétrir nos maigriots revenus; mais est-ce bien la peine de prendre l'air étonné puisque cela est devenu, depuis quelques années, le marronnier préféré des revues littéraires et autres échos culturels.
En ce mois de septembre, il va y avoir comme qui dirait du sport.
Camille Laurens cassera t'elle la figure de Marie Darrieussecq? Mazarine Pingeot finira t'elle ses jours au rayon Gros électroménager-réfrigérateur-congélateurs du Darty de Chinon? Yasmina Reza verra t'elle s'envoler ses PV accumulés depuis l'année dernière? Amélie Nothomb finira t'elle par retourner d'où elle vient? Günter Grass fera t'il pâlir d'envie Jonathan Littell avec ses mémoires de SS? Dominique de Villepin réussira t'il a réunir suffisamment d'argent pour payer son avocat?
Une rentrée forte en goût, limite remugle mais bon, avec douze romans à lire par jour (et oui la rentrée littéraire ne dure que deux mois!) pour venir à bout de cette dantesque production il fallait bien quelques piments savamment disséminés!
A vos marques, prêt lisez!

mercredi, mai 23, 2007

Amère loque

Winkie est un nounours des années 30, l’une des rares peluches à pouvoir cligner des yeux lorsqu’on la penche. Sa vie n’a été jusqu’alors qu’une longue succession d’amours suivie d’abandons. Tour à tour les enfants des enfants des enfants l’ont chéri puis délaissé jusqu’à sombrer petit à petit dans l’oubli d’une étagère poussiéreuse.
Amoché par la vie et par les angoisses infantiles, Winkie n’a gardé d’intact que le cœur.
Quel adulte que nous sommes devenus n’a pas été cet enfant persuadé que son fidèle compagnon de chiffon était doué de vie ? Quel enfant n’a pas ardemment souhaité pouvoir nouer une relation surnaturelle avec ce confident du quotidien ?
Clifford Chase surfe sur ce désir fou, sur cette croyance puérile pour mettre en scène l’éveil de son héros de poils et de son fabuleux affranchissement.
Un beau matin, Winkie s’évade, mange des baies pour la première fois puis défèque.
Il acquiert progressivement les rudiments d’une vie d’homme puis fuit vers les sommets boisés d’une montagne reculée. Le lecteur accède alors au plus beau passage de ce livre, la naissance miraculeuse de bébé Winkie, enfant fruit de la solitude et des désillusions. Petit être de bourre et d’étoffe, mystère de la nature, peluche canonisable que la concupiscence de l’homme, rapace saccageur, finira par détruire.
N’est pas bestial qui croit.
Ces pages sont d’une rare intensité et c’est à regrets, comme sonné que le lecteur arrive dans les lumières crues des salles d’interrogatoires du FBI.
Brusquement Winkie est arrêté avec force hélicoptères, porte-voix et scénario à la Oliver Stone. Le contexte espiègle et mièvre bascule alors dans l’horreur carcérale et dans son maelström d’incohérence et de contradictions.
Winkie devient de par sa différence, le coupable idéal de tous les maux de l’univers et prend peu à peu la tournure d’un Jésus-Christ super star sur le dos duquel viennent se déverser toutes les haines et insatisfactions d’un système judiciaire perverti et dépassé.
Plus de 9000 chefs d’accusation viennent noyer ce petit ours décrépit qui finalement n’est plus que le triste jouet d’une justice délirante plus immature que l’inculpé lui-même ne saurait l’être.
Triste Amérique vue de par le regard impitoyable du plus innocent des témoins de notre siècle cacochyme.

jeudi, février 22, 2007

Le retour du cornichon masqué

Depuis quelques semaines, une histoire de cornichon, à ne pas prendre avec des pincettes, défraye la chronique et défrise quelques lecteurs naïfs comme moi.
Résumons : « Des cornichons au chocolat » est un roman d’apprentissage écrit en 1983 par une adolescente du nom de Stéphanie. Elle y raconte mieux qu’un Florian Zeller, la difficulté d’être quand on a 13 ans, les parents en désaccords, les fugues, le collège, la solitude…
Stéphanie est rapidement devenue un modèle pour les fillettes comme moi qui aujourd’hui on la trentaine. On se sentait comprise, sœurs de sang (celui aussi des premières règles et de ce que cela implique de devenir femme quand on vit encore son corps d’enfant).
Stéphanie était devenue une pote, une bonne copine, l’amie que l’on aurait toutes souhaité avoir.
A l’époque, dans la préface du roman, un certain Philippe Labro applaudissait à tout rompre le talent et l’ingénuité de cette petite, saluant ce qui allait devenir selon lui un futur grand écrivain.
Lorsque j’ai appris par voie de presse il y a quelques jours que Stéphanie n’était autre que Philippe Labro lui-même, j’ai reçu en plein cœur une flèche de haute trahison.
Stéphanie, ma Stéphanie, notre Stéphanie non seulement n’existait pas et n’avait jamais existé mais en plus elle était un homme !
Imposture littéraire mais au niveau le plus vil qui soit !
On ne touche pas si facilement aux héros de notre enfance…
Gary, dix ans plus tôt publiait sous le pseudonyme d’Ajar « La vie devant soi », roman là aussi initiatique. Jusqu’à sa mort en 1980 il nia en être l’auteur ; tête sur le billot il renia ce qui fut sans doute l’un de ses plus beaux écrits.
Noblesse oblige il n’en tira pas orgueil public.
Labro fait aujourd’hui commerce frais de son roman dont les cornichons sont devenus aigres à ceux qui n’aiment pas être pris pour des andouilles, même au chocolat.
Je rejoins ainsi les propos d’Anne-Sophie sur son blog La Lettrine où elle dit que Labro s’est pour le coup pris pour Laclos.
Je pense qu’il aurait eu à gagner de garder pour lui ce secret littéraire plutôt que de réchauffer plus de vingt ans après une histoire aujourd’hui fanée.
Bien entendu, je ne m’attaque pas à la liberté de l’écrivain, d’autres avant Labro se sont essayer avec succès au pseudonyme, à l’usurpation d’identité mais il y a quelque chose qui coince par deux fois à mes yeux.
Petit un, un homme qui prend la voix d’une jeune fille pour s’adresser à un public féminin et jouer la carte de la confidence cela me fait penser à un vieux satire (mais c’est sans doute moi qui voit le mal partout) ; petit deux, le plus grave est que Labro ait fait preuve dans la préface du livre de 1983 de la plus complète autosatisfaction qui soit et qu’il réédite ce roman en espérant toucher à nouveau les royalties de son incommensurable talent.
Attention à vous Monsieur Labro, à vouloir prendre vos lecteurs pour des cornichons on peut bien finir par être chocolat !

mercredi, janvier 24, 2007

Mères d'encre


De la marâtre à la maman toujours la littérature chérira la mère.
Adulées ou détestées, absentes ou étouffantes les écrivains ont trouvé en elles une source intarissable où ils ont trempé une plume bien souvent teintée d’amertume et de regrets.
Peu importe l’age et le poids des années, lorsqu’on parle de sa mère c’est toujours avec le regard impitoyable de l’enfance.
Fut-elle aimante, certains comme Romain Gary dans « La promesse de l’aube » ou Albert Cohen dans « Le livre de ma mère » les décrivent comme de véritables mantes religieuses, coupables d’une relation exclusive, d’un amour cruel car impossible qui les a laissé plus qu’orphelins, plus qu’inconsolables puisqu’ils sont devenus après la disparition de celles-ci, de véritables handicapés du sentiment. Gary constate « il n’est pas bon d’être aimé, si jeune, si tôt. […] Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais.» Quand à Cohen, il dit « c’est le seul faux bonheur qui me reste d’écrire sur elle. […] je reste seul, avec ma ridicule tendresse en chômage […] Elle est morte ».
Tout aussi cruels sont les souvenirs de matrones au cœur sec et à la main leste.
Toutes non pas l’envergure de la Folcoche d’Hervé Bazin ou de la Génitrix de Mauriac mais elles donnent à la littérature du genre une rare intensité. Personnages au charisme stupéfiant, elles phagocytent tout sur leur passage, chargent de maux leurs progénitures ne leur laissant que les mots de la haine pour se décharger à leur tour.
Destructrices d’elles-mêmes par mille défauts d’égoïsme, de narcissisme, elles pensent aimer de la meilleure manière qui soit chez Japrisot par exemple dans « Visages de l’amour et de la haine» où la mère retient de force son fils au sein du foyer, l’écartant de toute existence sociale, le cantonnant à un état de santé malingre faisant de leur relation un jeu de sadisme réciproque ; ou celle-ci chez Julien Green dans « Mont-Cinère » dont la pingrerie amènera l’enfant vers une vie de torture et d’anéantissement.
Les autres, les absentes, sont peut-être de toutes les plus incompréhensibles, les plus terrifiantes, celles qui ont plongé leurs rejetons dans un monde blafard de cruauté tandis que d’autres au même age s’enivraient du doux parfum de l’innocence.
Décédée prématurément dans « Le voile noir » d’Anny Duperey, cette mère vient hanter de son souvenir l’enfant épargnée par la mort et lui fait vivre un cauchemar permanent. Celle du Meursault de Camus l’amènera jusqu’à la peine capitale.
Ces femmes qui abandonnent errent dans les romans comme des sanglots roulant perpétuellement dans la gorge. Facteur d’une haine inextinguible dans « Les bébés de la consigne automatique » de Murakami Ryu, soleil impalpable et fantasque dans « Le rendez-vous » de Justine Levy, elles peuvent aussi n’être qu’une ombre, qu’une passante dédaigneuse comme dans l’« Enfance » de Nathalie Sarraute.
Etre mère aujourd’hui comme hier, icône génératrice de toutes les passions de tous les affres aussi, qui trop embrasse mal étreint qui n’est jamais à la hauteur d’espérances inconnues, haut responsable d’un amour dit maternel, charge d’âme, madone parfois bien empruntée dans ce costume si grand qu’aucun amour ne suffirait à remplir convenablement. Etre maman, une épaule, une main…