mercredi, novembre 15, 2006

Où vont les écrivains, quand ils s'en vont?...

Il avait 35 ans la première fois que je l’ai rencontré. J’avais dix ans de moins que lui et étais alors, la petite main gauche du service de presse. A le croiser de temps en temps, je lui trouvais une fraîcheur, une vivacité, une allure d’éternel gamin qu’accentuaient des cheveux bruns et bouclés. Il portait à bout de bras le fol espoir de devenir un grand écrivain et gravissait les marches des éditions Calmann-Lévy comme on grimpe vers l’olympe.
Il s’appelait Vincent de Swarte et venait publier son tout premier roman intitulé « Pharricide ». Une histoire noire où un taxidermiste gardien de phare sombre dans la folie meurtrière.
Un régale de perversion psychologique d’une grande maturité littéraire.
J’ai quitté le métier peu de temps après mais j’ai pu de loin en loin le voir, avec une ridicule fierté, gravir une à une les petites marches qui mènent vers la reconnaissance des paires.
L’annonce de son décès en avril dernier m’a complètement bouleversée.
On sait tous qu’une vie fauchée est effroyable en tous points, mais la mort d’un écrivain m’a toujours semblée surnaturelle, plus récusable encore car un écrivain s’inscrit dans une permanence, dans une énergie que la mort n’a pas le droit de transcender. Un livre se lit toujours au présent, une œuvre vit toujours en nous avec la même intensité, un écrivain que l’on aime, qu’il soit contemporain ou antique, reste toujours un compagnon choisi, discret présent, parfois omniprésent mais bien rarement lié à un passé révolu enterré et oublié.
Vincent de Swarte nous a quitté. Il reste cependant à tout jamais en devenir, nous lègue ses mots et ses histoires d’aujourd’hui, nous abandonne dans l’intemporalité de ses écrits suspendus pour toujours, à l’abri du temps.

vendredi, novembre 03, 2006

Bas-Arts


Qu’est-ce que l’art ? D’après notre dictionnaire, l’art serait avant tout un ensemble de moyens utilisés pour produire une création esthétique. Oui, mais alors, qu’entend-on par esthétisme ? Notre toujours précieux glossaire répond : Science qui a pour objet de rechercher et de déterminer les caractères du beau dans l'art et la nature. Voilà bien notre sujet et le loup que je m’apprête à lever devant vous ! Démonstration : Tout le monde s’accorde à trouver le sentiment amoureux comme étant l’un des plus beaux. L’exercer au mieux, peut devenir un art. Ovide a, en son temps, dépeint avec brio les caractéristiques d’une telle démarche avec son « Art d’aimer ». D’autres s’y sont essayés, repoussant chaque fois un peu plus les limites du Beau. L’art de la guerre, de la tauromachie, de recevoir ses amis, de cuisiner bref de Sun Tzu à Nadine de Rothschild, tous ont su respecter la beauté de leur sujet même s’il n’était à la base pas le plus évident. Car qu’est-ce que le beau, sinon le sentiment provoqué par une chose noble, admirable qui élève l’esprit ? L’art ne peut donc se fourvoyer dans des sentiers douteux.
C’est pourtant ce que l’édition d’aujourd’hui tente de nous faire croire.
Deux « belles » réalisations parues ces mois derniers : « L’art de dire des conneries » et « L’art de péter », tous deux parus chez de respectables éditeurs.
Galéjade, me direz-vous ! Tentative de démocratiser un peu plus l’art à l’extrême afin de désamorcer un secteur où tôt ou tard tout est art ? Je ne sais pas.
Cela rejoint pour moi ces soient disant œuvres contemporaines qui viennent fleurir nos musées nationaux (étron en céramique, robe en viande de bœuf, concrétion de salive, tableaux immaculés, etc.)
Pour être élevé au rang d’art, plus besoin de relevé de l’esthétisme et donc du beau. Le laid, l’insignifiant, le négligé prend du galon, passe de l’impopularité à l’impénétrable sans passer par la case célébrité. Ça dérange qui ? Au risque de faire vieille France, je vais dire Moi. Je garde visé au corps le sentiment qu’on m’a pris pour un cornichon.
Que dire alors de ces deux livres ? Pour les avoir lu, voici mon humble avis.
Si au moins j’avais pu rire à la lecture de ces ouvrages didactiques, j’aurais baissé drapeau, ranger mon côté ronchon et admis qu’on peut bien se payer une bonne tranche de l’art sans pour autant déflorer le concept. Mais là, mes ami(e)s, quel ennui !! C’est prétentieux, pédant, universitaire au possible et on ne sait ni mieux dire des conneries ni mieux apprécier les pets de son entourage après lecture. Les conneries deviennent condescendantes et les pets suffisants et hautains.
Mais alors, on s’est laissé avoir. On a pris ces lanternes pour des vessies (et non le contraire cette fois) et on s’est fait berner en deux leçons. CQFD.
Méfiance donc reste mère de sûreté. Eloignons-nous des ces bat’arts, avat’arts d’une société qui voudraient faire manger leur soupe au plus grand nombre mais qui ne sont que des racont’art de bas étages.