Lorsque j’étais enfant, un écrivain du nom de Nicolas Bréhal vint élire domicile dans une jolie demeure bourgeoise du centre bourg du petit village où j’habitais.
Grand, ténébreux, le regard noir et douloureux, la bouche suave au sourire baigné de nostalgie, les cheveux crantés, toujours vêtu d’un long pardessus foncé qui lui conférait une élégance d’un autre temps, il faisait honneur aux habitants, sa discrétion convenant bien aux mœurs provinciales. Il a le premier pour moi véhiculé l’image du romancier imprégné par son art. Et je l’ai admiré immédiatement, peut-être même aimé comme une petite fille qui croit voir naître au réel un supposé prince idéal.
En hiver, rentrant de l’école à pieds lourds, je restais parfois à guetter face à cette maison où je l’imaginais emporté par la fièvre de la création. Derrière l’œil de bœuf qui dominait la toiture gris ardoise, j’inventais des cérémonies à la Tolkien, une bougie, un chat ronronnant, une tasse de café, un cendrier, des dictionnaires, des incantations faites à la muse littéraire et je l’enviais. Plus je l’enviais, plus je souhaitais être connue de lui.
Il m’a dédicacé tous ses livres.
J’étais encore trop jeune à l’époque pour les apprécier à leur juste mesure car ils parlaient d’amour, d’infidélité, de désir, des femmes et d’une paix toujours recherchée.
Sa mort, il y a déjà sept ans m’a laissé sans voix.
La belle demeure a été vendue et le village a sombré de nouveau dans la nonchalance anonyme.
« Sonate au clair de lune », « Les corps célestes » et tous ses autres livres sont devenus comme des fantômes dans ma bibliothèques, des reliques que je ne sors de leur rayon qu’avec le respect qu’on a pour les gens disparus que l’on a chéri par le passé.
Et c’est assez troublant pour moi d’avoir quelques années plus tard eu la chance de côtoyer à la faculté, le romancier Philippe Vilain, sosie physique et spirituel de Bréhal qui signe pour cette rentrée, un nouveau roman empreint de la même douceur, de la même vision de l’amour et des femmes que celles que son aîné revendiquait. Réincarnation, relève, métempsycose, hasards d’une vie ? Je suis fière en tout état de cause d’avoir pu approcher, toucher presque du doigt des créateurs qui ont entretenu chez moi le feu de la passion et du respect du verbe.
vendredi, septembre 22, 2006
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3 commentaires:
Merci de nous avoir partagé ce beau souvenir qui s'accorde bien avec la mélancolie automnale.
Un écrivain mignon, c'est plutôt louche. Signe qu'il passe plus de temps devant sa glace que devant son écran:)
Très touchée de t'avoir en hote sur mon blog!
Un écrivain n'est-ce pas avant tout quelqu'un qui pense qu'il a des choses intéressantes à transmettre aux autres? alors à narcissique narcissique et demi!
J'ai hate de trouver ton roman l'an prochain!! :)
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