Il y a quelques jours de cela, notre président recevait à l'Elysées ce que les journaux qualifièrent de "panel représentatif des français" ou plutôt de "France exacte". Certains riaient sous cape de cette France qui possédait en son sein quelques visages bien connus des services de police, du récidiviste notoire à l'aigrefin à temps partiel. On s'en étonne, on s'en emeut mais quoi de plus exacte que la vérité vraie? Le bandit est en droit de se poser autant de questions que le notable. Parce qu'on a tutoyé plus souvent les barreaux de la prison que les barreaux de chaise on ne devrait pas être autorisé à fouler du pied la moquette moelleuse des salons de l'Elysées et à serrer la paluche du grand Jacques?
Ce qui était chouette ce jour là à Matignon s'était justement ce vrai visage de la France même si il était plus près de celui de Madame Toulemonde que de celui de Miss Languedoc-Roussillon.
Un atelier d'écriture c'est un peu la même chose (chaud devant la digression !). On prend un mot, noble et fédérateur (par exemple la "Littérature") et puis on ouvre la porte. Ne sont entrés que ceux pour qui ce mot avait une signification. On referme la porte et là on s'étonne poings sur les hanches de ne pas reconnaitre ses petits. C'est qu'il existe autant de forme d'écrivants que de lettres dans l'alphabet russe.
On vient apprendre à écrire sans pour autant correspondre à un schéma préadmis. L'aspirant écrivain n'est pas ce ténébreux jeune homme aux cheveux longs au regard sombre et torturé qui habite sous les toits où il nourcit des pages et des pages enfievrées. L'aspirant écrivain s'appelle Marie-Laure, Thibault ou Charles-Eric, il a 19, 32 ou 45 ans et vient de milieux sociaux aussi divers que variés. Il vient à l'atelier d'écriture pour s'entendre dire qu'on l'aime, pour répondre à l'attente d'un psychothérapeute dérouté ou ambitieux, pour rencontrer d'autres ermites du stylo bille, pour améliorer son style ou pour carrément devenir écrivain de renom. Les ambitions diverges autant que les visages, autant que les caractères. Laurence est introvertie, peut-être en cure thérapeutique pour apprendre à se "lacher" (un mot a connaitre puisqu'il s'agit du leitmotiv des ateliers d'écriture), Thibault parle, lit, ecrit à 100 à l'heure courant après on ne sait quel hypothétique bonheur, Sarah a eu une enfance triste, sans doute malheureuse alors quand elle écrit, elle dit "merde, fais chier, ta gueule" au moins une fois par atelier afin de montrer qu'elle en a bavé, Charles-Eric est un homme pressé, entre deux mémos sur son palm pilote et trois SMS il arrive à suivre l'atelier et à s'investir histoire de rendre l'affaire un temps soit peu rentable, Annick vit dans une nostalgie débordante qu'elle n'arrive à réfreiner que par des pauses cigarettes qu'elle souhaiterait plus nombreuses etc etc. Et l'homme orchestre dans tout ça? Il s'agit de JC et JC est à l'atelier ce que cerbère est aux enfers. Il garde de main de maitre l'illusion que chacun de nous a un potentiel artistique fabuleux. Ici nul question de se critiquer autrement qu'en disant "ouah on a tous été super fort aujourd'hui!" ou variante "et oui très intéressant, tu devrais le continuer chez toi".
Beaucoup s' accomodent de ces bon sentiments et dodelinent de la tête lorsque JC rembarre les pourfendeurs de mièvreries en disant "Avant d'abattre les montagnes, le sage déplace d'abord les pierres". Voilà comment tourne un atelier d'écriture, celui là même où je vais chaque semaine déblayer quelques cailloux dans l'espoir de déplacer les montagnes de l'anonymat!
jeudi, décembre 08, 2005
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5 commentaires:
Madame Chutney,
Bravo. Je trouve vos chroniques très reussies, et je suis d'accord avec la pluspart d'entre elles, litterairement parlant. Jusque là, je n'ai pas trouvé à redire et je n'ai donc pas ajouté de commentaires, mais je ne puis resister à ce dernier chapitre sur les ateliers littéraires. J'ai toujours été curieux de savoir ce qui s'y passait, et votre description savoureuse comble ma curiosité. Cela n'a pas l'air triste !
Si j'ai bien compris entre les lignes, le niveau littéraire n'est pas terrible. Cela me surprend car vous même écrivez remarquablement.
Soit il y a quand même, parmi les Laurence, Thibault etc, un ou deux à votre niveau, et alors l'atelier doit, malgré vos dires, avoir une certaine tenue.
Soit vous êtes franchement au dessus des autres participants, mais alors y avez vous bien votre place ? Et cela n'intimide-t-il pas les autres ? (svp pas de fausse modestie quand vous repondrez)
Vous serait-il possible de publier dans votre blog un ou deux extraits de textes issus de l'atelier, de vous et de vos collègues (si possible ce qu'il y a de plus extreme, le pire et le meilleur selon vous), pour que nous nous fassions une idée plus précise de ce que peut produire un atelier ?
En toute amitié, et en toute impatience de lire votre reponse,
Bien à vous,
Nathan
J'ai oublié de mentionner dans mon commentaire prédédent mon email : nathan81490@yahoo.fr
Cher Nathan,
Tout d'abord un grand merci pour tes encouragements et tes compliments qui me vont droit au coeur. Effectivement, les ateliers d'écriture sont des lieux peuplés de personnes aux horizons et aux compétences variées. Mes petits camarades d'écriture sont loin d'être tous mauvais et loin de moi l'idée de me poser en critique littéraire de haut vol. Je me l'autorise sans sourciller avec les écrivains en place mais je garde beaucoup de respect pour ceux qui s'essayent même si ce n'est pas toujours du Romain Gary.
Le plus frappant en fait ce n'est pas les différences de niveaux, ce sont les différentes manières d'aborder la littérature. Personnellement, je n'arrive pas à faire autre chose que de la nouvelle en atelier. D'autres vont dans l'écriture fragmentée, le récit de voyage, l'analyse transactionnelle, d'autre dans le style achuré type rapport de police. Dans chacun de ces postulats se dessine une personnalité, d'où une Sarah toujours dans l'écriture de récits de vie quotidienne extremement banals et souvent vulgaire (que cache t'elle?), une Véronique toujours dans la retenue qui se lache par fragments dans un style télégraphié (que cherche t'elle?) etc. Bien sur, je n'accroche pas trop mais j'écoute et cela m'enrichit malgré tout. Rien à l'atelier me laisse supposer que j'y suis la meilleure. Il y a heureusement une autre personne avec laquelle j'ai une véritable affinité littéraire et c'est vrai que sans cela je ne pense pas avoir eu le goût de continuer. Comme le prof ne souhaite formuler aucun commentaire quant à nos réelles aptitudes je pense finir l'année et essayer autre chose.
Mes ambitions sont grandes mais mes prétentions sont réalistes alors je prends ce qu'il y a prendre et si ce n'est qu'une rencontre avec une personne qui m'intéresse par son travail c'est déjà énorme!
Promis, je tacherai de publier quelques savoureux extraits!
A très vite et merci encore de me lire avec autant de plaisir et de sympathie!
Chutney
"On referme la porte et là on s'étonne poings sur les hanches de ne pas reconnaitre ses petits. [...] L'aspirant écrivain n'est pas ce ténébreux jeune homme aux cheveux longs au regard sombre et torturé qui habite sous les toits où il nourcit [oh les doigts gourds!] des pages et des pages enfievrées."
Clair qu'à 300 euros le trimestre ils vont pas s'attirer du poète crotté, du sauvageon de dessous les combles, du purotin halluciné, du borderline +++.
C'est bien pour ça qu'il peut continuer ses petites affaires le JC. Si j'avais casqué 300 pour avoir le privilège de lire mes textes à une demie douzaine d'endormis qui s'en foutent, je te lui garantirais une fin de carrière accélée.
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