Quand on porte un nom pareil, qu'on en joue et en abuse il faut en avoir un peu dans le gilet comme on dit chez moi. Le problème c'est que Thomas Lélu arrive comme un messie mais que le costume est un peu trop grand pour lui. A sa décharge, je dirais qu’on n’est jamais tout à son aise dans un costard d'emprunt. Est-ce la faute d'un marketing savamment orchestré? Un titre racoleur et énigmatique, une photo de l'auteur prise par Jean-Baptiste Mondino (rien que ça), une barbe de quinze jours faussement négligée (résultat très difficile à obtenir), un quatrième de couv’ annonçant « un univers singulier proche de Tex Avery et des Monty Python », un bandeau "Premier Roman" rognant 1/3 de la couverture comme un alibi à l'achat bref un bien de consommation facile, ludique et conditionné genre 3 en 1.
Et oui, vous me voyez venir, j’en veux beaucoup à Thomas Lélu. Je le jalouse aussi car il m’a dit quelque chose qui ne m’a pas, mais alors pas plu du tout lorsque je suis allée le rencontrer l’autre jour au salon du livre de l’Hôtel de ville.
Je m’avance intriguée vers ce plutôt beau garçon de trois ans mon cadet assis, aurais-je dû m’en alarmer ? à côté de mon ami Marc Lévy. Je l’enjoins timidement à me dédicacer son livre puis l’interroge sur son parcours de romancier débutant.
A-t-il beaucoup attendu avant d’être publié ? A-t-il essuyé de nombreux refus ?
Relevant la tête vers moi, il me lance un regard dans le genre méditation silencieuse au sommet du Mont Blanc qui me met aussitôt mal à l’aise puis me répond du bout des lèvres :
« J’en sais rien. Je ne l’ai envoyé qu’à un seul éditeur et cela a suffit. »
Bah mon gaillard je n’ai pas pu m’empêcher je me suis vue lui répondre :
« Vous êtes un pistonné alors ! »
Je crois que cela ne lui a pas fait plaisir… Du premier coup ! Edité au premier envoi ?! Nous avons donc affaire à un génie. Le marketing n’est présent que pour mieux mettre en valeur cet auteur exceptionnel. Je me plonge dans la lecture de son Jeanne Mass, spirituellement prête à accéder au divin.
Il est de la famille des livres qu’on regrette d’avoir achetés sur un coup de tête, de ceux pour lesquels on voudrait se faire rembourser avec dommage et intérêts.
Une sombre mascarade, de la « littérature » syncopée qui se veut drôle et originale mais qui n’est que du Dominique Noguez réchauffé, du Paul Eluard sous ecstasy, un vrai bad trip. Morceaux choisis :
« J’entre dans la boîte, la salle est totalement enfumée, c’est vraiment trop ouf donc je commence à sourire et je sors deux trois mots en anglais à une fille qui passe près de moi et qui me fait penser à un abat-jour ».
« Nous poussons deux trois personnes qui fument des oinjes et qui nous font des whaou mais on est vachement plus balèzes qu’eux alors no problem pour passer et on arrive à l’entrée où les flics et le SAMU nous attendent, habillés en cosmonaute ».
Est-ce la peine d’en rajouter ?
mardi, décembre 27, 2005
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2 commentaires:
Les extraits que tu cites sont atterrants, mais peut-être est-il tellement dans l'actuel qu'un editeur a estimé que ça pourrait marcher ? Ambition matérielle, pauvreté culturelle, néologismes SMS, frime méprisante..., de bonnes bases pour fédérer une majorité peu exigeante.
N'en rajoute pas : tout est dit en deux extraits, l'affligeant semble tirer une bourre au vulgaire dans ce bouquin.
Oser parler de Tex Avery et des Monty Python dans ces conditions est une insulte qui leur est faite. Le seul auteur que je classerais volontiers et sans hésitation aucune dans cette catégorie est l'inénarrable Tom Sharpe, un des rares dont l'humour noir me fasse littéralement hurler de rire.
Là, je partage ton avis et celui de Saoul-Fifre : ça pue le coup de marketing. Poubelle.
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