mercredi, juillet 27, 2005

C'était l'année des C pour les chiens

L'un ou l'une d'entre vous me souffle gentiment à l'oreille de donner ici quelques passages de mon fameux ou plutôt fumeux roman qui visiblement n'engendre pas pour l'instant les hourras hip hip hip tant attendu auprès des éditeurs parisiens.
C'est un risque que je prends et après tout votre avis en la matière compte beaucoup pour moi puisqu'il s'agit de l'avis du lecteur et c'est bien là l'essentiel. Ma grande question après "Dieu existe t'il?" et "A quoi ça sert la vie?" c'est "Ai-je un lectorat à défaut d'avoir un éditeur?". Je vous en laisse seul juge.
Le titre du roman est "C'était l'année des C pour les chiens" et j'avais choisi la photo de ce dalmatien assez représentatif du roman pour en faire la couverture. Allez c'est parti !
"(...) Après avoir adressé quelques candidatures spontanées à l’aveuglette, je reçus une réponse et une seule de la part d’une maison d’édition multidisciplinaire. J’y arrivais donc au printemps pour y revêtir l'inéluctable statut de stagiaire. J’assistais l’assistante du service de presse, qui elle-même assistait deux attachées de presse qui assistaient une foultitude d’auteurs en détresse affective. La jeune femme était plaisante, jolie, pleine d’énergie et toujours prête à me livrer malheurs intimes et conflits professionnels. Quand elle avait choisi son heure de confession elle s’entortillait avec maniaquerie autour de l’index un cheveux patiemment choisi, qu’elle finissait toujours par arracher d’un coup sec notifiant ainsi la fin de la conversation. Elle auscultait en sourcillant le fruit de sa capture d’un œil inquisiteur. De la taille du bulbe ainsi obtenu, dépendait son humeur de la journée.
Dans mon dictionnaire, ils appellent ça de la trichotillomanie.
Avec ça ils disent qu’elle appartient à un groupe fermé qu’ils surnomment les Borderlines.

Ça en fait des mots corrects et ronflants derrières lesquels on peut s’adosser !
Avec autant de références, je me sentais flattée par ses égards, et me lovais sans trop d’effort dans le rôle de confidente. J’étais le premier récipiendaire de ses angoisses, elle venait régulièrement se décharger sur moi puis partait soulagée, le visage apaisé redevenu souriant.
J’aimais bien me mettre de cette façon au service des autres.
J’avais l’impression de servir à quelque chose de bien, d’accéder même à une dimension religieuse qui me plaçait au-dessus du lot. Je confondais béatifier et bêtifier, comme quoi c’est dingue la langue française. Ça vous ferait prendre vos vessies pour des lanternes à une lettre près. Comme quoi un bon dico c’est autant d’expériences acquises sans les avoir vécues.
Les gens disaient d’elle qu’elle avait les dents si longues qu’elles en raillaient le parquet.
Ne connaissant pas l’expression, j’avais aussitôt eu recours à mon recueil de mots rangés par ordre alphabétique.
Railler : Se moquer, tourner en ridicule.
Parquet : 1. Assemblage de planches 2. Ensemble des magistrats qui exercent les fonctions du ministère public.
La locution restait quand même fort mystérieuse. Se moquer de planches de bois ou tourner en dérision un lot de fonctionnaires tout ça avec les dents ça sentait l’énigme insoluble un peu comme le « poteau rose » ou « rendre l’appareil ».
Tout cela lui conférait une strate supplémentaire à son aura naturelle.
Mon stage était prévu pour trois mois et, n’étant pas rémunérée, j’avais obtenu le droit d’acquérir gracieusement un livre par mois travaillé. Le premier qui me fut offert, sans qu’aucun choix de ma part n’ait pu s’exercer, racontait la sombre histoire d’une prostituée lesbienne contrainte de vendre son corps à des marins grévistes pour offrir une opération de la cataracte à sa mère.
J’ai conservé ce livre comme cale pied bien pratique de ma table de nuit, c’est un peu comme qui dirait mon livre de chevet..."



6 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup. C'est vif, moderne, drôle, et puis maintenant, faut tenir le rythme ? Faut voir l'histoire, et les seconds roles. Ils sont bons vos seconds roles ? Vargas peaufine vachement ses seconds roles : ils mériteraient tous d'être héros d'une histoire !

Chutney a dit…

Si tu aimes comme moi ce vénérable outil qu'est le dictionnaire, mon roman devrait te plaire. Il y a un rôle rien qu'à lui. Il y a un chien, il y a dieu, un commissaire priseur vereux mais n'est-ce pas là une redondance?, un producteur de film porno et puis un arabe d'origine japonaise qui vend des bobun à l'ariza en elevant un mouton dans sa baignoire. Le personnage principal est une provinciale psychorigide qui peu à peu va sombrer dans la schyzophrénie, sujet au combien adulé des médias par les temps qui courent et qu'on ne rattrape pas.
Ca se termine dans un bain de sang mais la dérision n'est jamais bien loin ce qui evite de tomber dans le psycho drame. Je me sens donc asez loin du talent et du style de Vargas(que j'admire) pour finalement tenter de me rapprocher de Romain Gary (sans trop de pretention quand même). Merci pour tes encouragements et moult fois heureuse d'avoir des confrères qui font de Bip, chebop, bap, wiz sur un blog du même nom. Ca m'a bleuffé : "ben ça alors!" je me suis dit quand j'ai compris que j'étais au minimum la 3ème génération de blogborygmes et tout ça sans avoir eu l'idée de copier mes paires, les grands esprits se rencontrent dit-on, je croyais être originale je me retrouve dans une famille. C'est quand même super chouette, extra fou!

Anonyme a dit…

Moi, je dois avouer que je suis incapable de donner une appréciation "professionnelle" sur un extrait (et même sur une oeuvre entière, d'ailleurs).
Cela dit, je te remercie d'avoir répondu à mon petit commentaire.
Si malgré tout, tu voulais connaître mon avis, je te dirais que je suis séduit par ton style piquant, épuré et (légèrement) ironique. Mais bon, ce n'est pas sur ces éléments uniques que l'on juge une oeuvre...pour ça, il faudrait lire le texte entier.

En tout cas, persévère : j'ai lu encore récemment dans un supplément au roman "Je m'en vais" de Echenoz que cet auteur - qui a pourtant reçu le prix Goncourt -, a reçu des réponses négatives de tous les éditeurs auxquels il a envoyé son manuscrit...excepté des Editions de Minuit (les seuls ayant su flairer le talent !). Et entre nous, un éditeur qui édite Marc Levy, c'est surement pas un dénicheur de talents...

Anonyme a dit…

j'ai oublié de signer le précédent comm. (si toutefois, cela avait une quelconque importance).

Anonyme a dit…

Le dico, oui oui, dès très jeune, j'ai eu une soif de connaissance assez importante, et je lisais le dico dans l'ordre. Un chien, OK, indispensable, la notre s'appelle Caille-ra. Dieu, pourquoi pas, je l'imagine comme le contraire d'une épée de Damoclès, un truc suspendu au dessus de nous, mais qui nous tire vers le haut, nous pousse à nous dépasser, nous prête des idées bizarres, des idées vraiment pas terre à terre...
Nous sommes aussi très content de ce regroupement. C'est la réponse généreuse de Patrice qui nous a mis d'office dans une ambiance familiale. C'est les vacances, mais nous verrons au retour quelle forme donner à cet égrégore...

Anonyme a dit…

Et le Saoul-Fifre qui n'a même pas repéré, dans la dernière phrase de ton message ci-dessus, une très subtile référence à ses anatidés favoris ! ;~)

Indépendamment de notre cousinage blogborygmique, j'aime itoument beaucoup ce court extrait. Difficile de dire ce que ça peut donner sur la distance (qu'il faut tenir) d'un roman, mais en tout cas, cela donne vraiment envie d'en lire plus.

Petit écrivain deviendra grand si les Julie ne la mangent pas en route ! ;~)